12 septembre 2011

Les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel!

Les titres-services sont au cœur de l’actualité... D’abord lorsque le quotidien De Morgen a accentué exagérément un élément de mon interview de rentrée et que les autres médias ont relayé cette information. Plus tard, lorsque le HIVA a publié son nouveau rapport sur l’utilisation des titres-services dans les secteurs du bien-être en Flandre, plaidant en faveur du recours aux titres-services dans ce secteur en particulier.

Les titres-services intenables

Les titres-services ont bien évidemment leur utilité. Ils ont permis à de nombreuses personnes peu scolarisées, essentiellement des femmes, d’accéder à un travail. Dans une moindre mesure, ce système a blanchi une partie du travail au noir ou au gris. Et pour les familles qui y recourent, il constitue une aide incontestable, en particulier s’il permet de combiner plus facilement vie professionnelle et vie familiale.

Mais comme le titrait déjà une étude antérieure du HIVA réalisée en collaboration avec la CSC, les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel. Dans l’intervalle, le budget des titres-services est passé à 2,2 milliards. A politique inchangée, ce budget ne devrait pas cesser de croître. Et ce, en des temps où la sécurité sociale est sévèrement critiquée. Si nous n’intervenons pas de façon raisonnée, c’est l’ensemble du système des titres-services qui risque d’imploser. La manière dont les sociétés d’intérim exercent un chantage face aux pertes d’emplois est trop transparente, maintenant qu’elles voient leurs plantureuses marges bénéficiaires sur les titres-services menacées. Ne rien faire coûterait beaucoup plus d’emplois encore dans le secteur.

Un moindre mal

La CSC propose de maintenir le coût du titre-service à 7,50 euros. Elle demande cependant de réduire la déduction fiscale à mesure que le revenu augmente.

Cette proposition est-elle douloureuse? Elle l’est, bien entendu. Personne n’aime payer plus. Restons toutefois sérieux. Combien de clients abandonneront ce système si le montant de la déductibilité fiscale est adapté en fonction du revenu du ménage? L’augmentation du coût qui en résulte est beaucoup trop réduite. En outre, ce prix est encore loin en deçà du coût du marché noir ou gris, avec des variantes régionales.

La CSC n’est pas favorable à la limitation des titres-services aux bas revenus. Les ménages bénéficiant d’un meilleur revenu doivent également pouvoir bénéficier des titres-services. Il doivent également pouvoir avoir accès aux mesures permettant de mieux combiner famille et travail. Au début de cet été, la CSC avait déjà mis en garde contre les ‘pièges aux revenus’, lorsque trop d’avantages ne sont réservés qu’aux seuls bas revenus. Ces bas revenus perdent par conséquent trop d’avantages une fois que leur revenu s’améliore.

Pas de commercialisation des soins

Nous ne sommes certainement pas favorables à la proposition qui a été formulée visant à recourir essentiellement aux titres-services dans les secteurs des soins. Comme la CSC-Alimentation et Services l’avait déjà signalé, cette formule ne fait que stimuler la commercialisation des soins. Pour le secteur des soins, la CSC joue la carte de l’emploi régulier, avec des travailleurs formés à cet effet.

Il est bien trop facile pour les autorités communautaires de répercuter sur l’autorité fédérale leur responsabilité pour le développement des soins aux personnes âgées et aux personnes handicapées par le biais des titres-services. Cette autorité fédérale doit déjà supporter la totalité des coûts du vieillissement, ainsi que l’a rappelé en juin dernier le Comité d’étude sur le vieillissement. Si elle doit en outre encore payer la facture des Communautés, le système devient intenable. C’est précisément l’inverse qu’il faudrait faire : convertir les titres-services en emplois réguliers dans le secteur non marchand des soins, subventionnés par le biais de canaux normaux.

Luc Cortebeeck
Président de la CSC

31 août 2011

Du pain sur la planche

Les uns après les autres, nous rentrons de congé et reprenons le travail. Lorsque nous repensons à l’été pluvieux que nous venons de vivre, du moins en Belgique, les deux catastrophes qui ont si lourdement touché la jeunesse nous viennent immédiatement à l’esprit: la fusillade en Norvège et les ravages lors du festival Pukkelpop. A cela s’ajoutent encore bien d’autres tristes événements: la famine dans la Corne de l’Afrique, les émeutes au Royaume-Uni, l’incessante spéculation contre les pays, l’incapacité de l’Europe à y faire face, les querelles politiques à Washington, le récent attentat à la bombe contre les Nations unies au Nigéria, les dégâts que les ouragans ont à nouveau causés, le prix élevé que la population libyenne a dû payer pour son appel à la démocratie, la réaction agressive du gouvernement syrien face au soulèvement populaire…

Pour le reste, force est de constater que sur les plans politique, syndical et socio-économique, les défis qui se posaient avant l’été sont loin d’avoir disparu. Ils font même de nouveau la une et n’ont rien perdu de leur gravité.

Nous avons consacré à chacun de ces défis un ou plusieurs articles de ce blog d’été 2011. Dans ce dernier article, nous les reprenons un à un. Vous saurez ainsi ce qui nous occupera au cours des prochains mois.

Double récession?

Au niveau international, le risque de "double récession" persiste, surtout si, sous la pression des marchés financiers ou de la droite, les pays se lancent simultanément dans un assainissement trop brusque et irréfléchi. Même Christine Lagarde, la nouvelle directrice du FMI, a déjà dû lancer plusieurs mises en garde à ce propos. Parallèlement, elle insiste pour que des impulsions positives soient données afin de soutenir l’économie. Dans le cadre de ces discussions se pose aussi la question de la limitation de la toute-puissance des agences de notation. Le pouvoir de ces agences semble en effet augmenter à mesure que leur crédibilité décroît. Malgré son erreur monumentale de 2.000 milliards de dollars dans son évaluation de la dette publique américaine, Standard & Poor’s semble même s’en sortir assez bien. Et, contrairement à ce qui s’était passé après l’éclatement de la crise financière, il n’existe pas même un début de réponse intergouvernementale. Le G20 semble à l’agonie.

L’euro(pe) frémit et tremble

Durant tout l’été, l’Europe a dû faire de la gestion de crise et, pour le moment, elle ne parvient pas à formuler une réponse adéquate et cohérente. Si le succès rencontré par la taxe sur les transactions financières dans les agendas politiques constitue déjà une avancée, les euro-obligations continuent à se heurter à un non catégorique.

Au début de l’été, l’Europe a adressé une série de recommandations aux Etats membres et à l’ensemble de la zone euro dans le cadre de sa stratégie à moyen terme «Europe 2020». Ces recommandations émanaient surtout des faucons de la filière Ecofin et cela se voyait clairement. La question est à présent de savoir quelles suites chacun des Etats membres donnera à ces recommandations dans les prochains mois.

Pour la fin juin, les six propositions législatives de l’Europe en matière de coordination de la politique économique (le fameux "sixpack" pour la gouvernance économique) auraient dû être mises en œuvre, mais le Parlement européen et le Conseil européen ne sont pas parvenus à se mettre d’accord. Le dossier sera donc à nouveau sur la table en septembre, mais dans le cadre d’une question plus large: comment répondre de façon cohérente aux vagues spéculatives incessantes et éviter que l’euro ne faiblisse. D’aucuns se mettent à spéculer à haute voix sur un éclatement de la zone euro. Selon certains, un ou plusieurs pays du Sud désireraient la quitter; d’après d’autres, l’Allemagne serait sur le point de faire cavalier seul (en matière de taux de change). Pourtant, la réponse ne réside pas dans un affaiblissement de l’Europe, mais bien dans son renforcement, pour autant bien sûr qu’il y ait un équilibre suffisant entre les objectifs économiques, sociaux et écologiques. C’est ce que nous répéterons avec le mouvement syndical européen lors d’une nouvelle euro-manifestation qui se tiendra le 17 septembre, à Wroclaw (Pologne) cette fois.

Un nouveau gouvernement: il est temps

Au niveau national, le premier grand défi reste bien entendu la formation d’un nouveau gouvernement fédéral, qui devra accomplir trois missions importantes et fortement liées entre elles: procéder à une nouvelle réforme de l’Etat, assainir les finances publiques et élaborer une nouvelle politique socio-économique.

En juillet, le formateur Elio Di Rupo a présenté sa note, qui contenait une série de mesures particulièrement douloureuses pour les travailleurs et les non-actifs. Nous avons donc été obligés de réagir fermement afin d’obtenir de conséquents aménagements. A présent, les discussions en vue de la formation d’un gouvernement ont repris, cette fois sans la N-VA, qui a choisi de rester sur la touche. Les autres partis semblent avoir pris conscience du fait que, face aux marchés financiers, nous ne pouvons plus nous permettre de continuer à jouer avec le feu, que nous devons progresser dans l’établissement du budget 2012 et que nous ne pouvons plus continuer à reporter certains dossiers de politique socio-économique.

Nous continuerons à suivre de près ces négociations qui devraient aboutir début octobre, afin d’en arriver à une réforme de l’Etat qui préserve la solidarité tout en restant acceptable pour les travailleurs, à un assainissement qui fera supporter les charges les plus lourdes par les épaules les plus larges et épargnera les plus faibles, et à une nouvelle politique socio-économique qui continue à tenir compte des besoins et des attentes des travailleurs et des non-actifs.

Un Pacte repensé

S’ajoute encore à tout cela un dossier très délicat: l’évaluation du Pacte de solidarité entre les générations de 2005. Celle-ci était déjà prévue pour 2011 depuis un certain temps. Elle est à présent en cours au Conseil national du travail. Les travaux devront être finalisés pour octobre, après quoi le gouvernement prendra la main.

Ce que nous devons absolument éviter, c’est que cette évaluation dégénère une fois encore en un débat qui ne porte que sur les générations plus âgées, sur les prépensions en particulier et sur les efforts que les travailleurs doivent consentir. Cette fois, il s’agira surtout d’identifier ce que les employeurs doivent et peuvent faire pour permettre aux travailleurs de rester actifs plus longtemps. La question sera aussi de savoir comment aider les jeunes à démarrer une carrière digne de ce nom.

Hausse des prix: s’attaquer à la source du problème

Outre ce débat, un autre thème constitue probablement une pierre d’achoppement importante: la réforme de l’index. L’Europe nous somme d’entreprendre de premières démarches en vue d’une réforme de l’index. Au niveau national, certains n’hésitent pas à profiter de l’occasion pour remettre en cause la liaison à l’index et, en septembre, la Banque nationale de Belgique mettra probablement encore un peu d’huile sur le feu en publiant un rapport de sa propre initiative. Or, nous estimons qu’il faut s’attaquer à la source du problème de la hausse des prix, en commençant par baisser les prix du gaz et de l’électricité. D’ailleurs, l’index n’a pas empêché la Belgique d’enregistrer des résultats économiques particulièrement brillants à l’heure actuelle, même en comparaison avec le soi-disant "modèle" allemand.

Deux ans pour le statut commun

En juillet, la Cour constitutionnelle nous a encore confrontés à un défi supplémentaire: l’harmonisation des statuts des ouvriers et employés, pour laquelle la Cour accorde encore deux ans au gouvernement et aux partenaires sociaux. Ces travaux devront donc être enfin finalisés en juillet 2013. Etant donné la complexité du dossier, il serait totalement déraisonnable d’attendre deux ans avant de s’y atteler. En effet, l’harmonisation des statuts demandera encore beaucoup de préparation politique, y compris sur le plan des chiffres. Dans tous les cas, la CSC est particulièrement heureuse que le dossier du statut commun soit ainsi redynamisé.

Tout au long de l’été, nous sommes restés en contact avec vous grâce à notre blog d’été, et vous avons exposé beaucoup de ces défis ainsi que la vision de la CSC en la matière. Ce blog a été fait de réactions et d’explications, de chiffres et de faits nouveaux. Parmi ces informations, nombreuses sont celles qui restent d’actualité. Au cours des semaines et des mois à venir, nous nous en servirons régulièrement et continuerons à les compléter de manière systématique. Désormais, nous recommencerons toutefois à utiliser les canaux de communication habituels. Merci pour votre attention.

Luc Cortebeeck, président de la CSC
Claude Rolin, secrétaire général de la CSC

26 août 2011

Parasites ou indigents?

En France, les riches demandent à être taxés plus lourdement. En Belgique, les riches s’attachent surtout à rendre les pauvres encore plus pauvres en essayant de faire en sorte que la sécurité sociale soit la première cible de la politique d’assainissement. En cela, ils peuvent compter sur le soutien complaisant de la droite politique.

Un hamac

Stimulée par le monde patronal, cette droite s’acharne à diffuser l’ineptie selon laquelle la sécurité sociale, de filet de sécurité ultime pour les personnes dans le besoin, serait devenue un hamac pour parasites oisifs.

Que l’on sorte ces fainéants de leur hamac, entend-on dire. Et pas seulement par l’activation, car cette mesure coûte de l’argent, puisqu’il faut payer accompagnateurs, formateurs, facilitateurs et tutti quanti. De plus, elle n’a aucun effet sur des gens qui connaissent tous les trucs pour en faire le moins possible. Pour les faire bouger, il faut les mettre sur la paille, limiter l’accès aux allocations, réduire le montant des allocations ou supprimer les allocations après un certain temps. Et surtout mettre fin à ce maudit système de liaison au bien-être: l’augmentation, tous les deux ans, des allocations avec, entre autres, les 2% supplémentaires pour les allocations minimums dans la sécurité sociale et l’aide sociale. Car ce système coûte trop cher. Il est injustifiable à un moment où l’on demande aux actifs de modérer leurs salaires.

Dans ce raisonnement, ce sont en première instance les allocations d’attente des jeunes chômeurs et les allocations de chômage des chômeurs âgés qui doivent passer à la trappe, entraînant dans leur sillage les régimes de prépension pour les chômeurs âgés licenciés. Cette tendance, on la constate toutefois aussi dans le débat sur les indemnités de maladie et d’invalidité et sur l’aide sociale. Et, cerise sur le gâteau, voilà que Karel De Gucht déclare – malgré sa maigre connaissance du dossier – qu’en Belgique, on obtient trop facilement une reconnaissance comme personne handicapée!

Sécurité minimum

Un hamac? Le dernier rapport annuel de la Commission d’étude sur le vieillissement permet de replacer une série de choses dans leur contexte. En effet, la commission a une nouvelle fois calculé de manière très précise, sur la base de critères européens, de quel montant un isolé ou un couple doit disposer en Belgique en 2011 pour ne pas encourir un risque trop élevé de basculer dans la pauvreté. Cette norme de pauvreté s’élève en 2011 à 1.013 euros par mois pour un isolé et à 1.520 euros par mois pour un couple, soit 50% de plus. Ces montants s’entendent sans charge d’enfants. Par enfant de moins de 14 ans, il faut encore ajouter 304 euros. Ces chiffres, nous ne les inventons pas. Ce sont de nouvelles estimations basées sur les critères utilisés par l’Europe dans le cadre de sa politique sociale et de sa stratégie à long terme "Europe 2020".

Alors, dans quelle mesure la sécurité sociale ou l’assistance sociale rend-t-elle les non-actifs indolents? Faisons un petit exercice pour quelques allocations minimums, sachant que grâce au dernier accord interprofessionnel, ces allocations seront une nouvelle fois majorées de 2%.

A partir du mois de septembre, un jeune chômeur isolé de 21 ans qui quitte l’école et qui reçoit une allocation d’attente pourra compter sur 770,40 euros par mois, ce qui se situe 23,9% en deçà de la norme de pauvreté.

L’allocation de chômage minimum pour un isolé sera bientôt portée à 898,20 euros par mois, soit 11,3% en deçà du seuil de pauvreté.

A partir du mois prochain, un chômeur chef de ménage dont le partenaire n’a pas de revenu propre recevra 1.069,30 euros par mois. On est donc 29,7% en deçà de la norme (et il n’y a pas d’enfants).

Et le revenu d’intégration? Il passe à 770,20 euros par mois si le bénéficiaire est isolé, soit 24% trop peu. S’il s’agit d’un couple sans enfants, le CPAS octroie 1.026,90 euros, soit 32,4% trop peu.

Tournons-nous à présent vers les pensions. Même en ayant une carrière complète de travailleur (45 ans, assimilations comprises), un isolé n’aura dorénavant plus droit qu’à un minimum de 1.066,30 euros et un ménage à 1.322,50 euros. Cet isolé se situera juste au-dessus de la norme de pauvreté. La pension de survie est même encore un peu moins élevée. La pension de ménage minimum se situe quant à elle 13% en deçà de la norme de pauvreté.

Pas une vie

Toutes nos excuses pour cette avalanche de chiffres mais, à la veille du grand débat sur l’assainissement budgétaire, il n’était pas inutile de rappeler ce que cela signifie concrètement pour de nombreux non-actifs de vivre d’une allocation minimum de la sécurité sociale ou d’une aide sociale, malgré le mouvement de rattrapage effectué grâce à la liaison au bien-être. Etre réduit à une allocation minimum, ce n’est pas une vie. Dès lors, imaginez ce que serait la vie de tous ces chômeurs de longue durée que l’on condamnerait à une allocation minimum. Ce que serait la vie de ces jeunes qui quittent l’école et de ces chômeurs de longue durée que l’on évincerait de l’Onem pour les réduire à un revenu d’intégration. Imaginez les conséquences de mesures qui mettraient fin au mouvement de rattrapage que nous avons entamé pour lier les revenus de remplacement et l’aide sociale au bien-être. Elles ne feraient que créer la pauvreté. Sans oublier qu’elles seraient en contradiction totale avec les objectifs européens en matière de lutte contre la pauvreté (réduire de 20 millions le nombre de personnes courant un risque de pauvreté ou d’exclusion en Europe d’ici 2020) et l’objectif que la Belgique s’est légalement engagée à poursuivre (réduire de 380.000 le nombre de personnes courant un risque de pauvreté ou risquant l’exclusion, d’ici 2020).

Luc Cortebeeck, président de la CSC
Marie-Hélène Ska, secrétaire nationale de la CSC
Ann Van Laer, secrétaire nationale de la CSC

22 août 2011

La décision sur la gouvernance économique européenne encore une fois reportée

Finalement, le vote au Parlement européen sur le paquet gouvernance économique a été reporté à la rentrée. Cela fait des mois que les syndicats européens se mobilisent contre le projet de coordination néolibérale qui est en train de se mettre en place au niveau européen. Nous avons toujours revendiqué une gouvernance économique et sociale, elle est plus nécessaire que jamais. Mais ce qui se met en place aujourd’hui ne répond absolument pas à l’ambition de la construction d’une Europe sociale.

Enjeux importants

Les enjeux sont importants puisque les règles de limitation des déficits publics et des dettes publiques seront appliquées beaucoup plus strictement qu’avant, avec un priorité explicite sur la maîtrise des dépenses, et des sanctions rapides et progressives si l’Etat ne respecte pas ce qui lui est prescrit. Nous nous inquiétons pour le financement de la sécurité sociale, des services publics et des investissements publics indispensables pour le futur, notamment les investissements que les Etats devront faire pour concrétiser leurs engagements et freiner le changement climatique qui s’amorce.

Nous nous inquiétons aussi pour un autre dispositif qui permettrait de façon inacceptable aux gouvernements des pays de la zone euro, sur suggestion de la Commission, d’interférer avec la formation des salaires dans un Etat membre, sous peine de sanction si celui-ci n’obtempère pas. C’est un déni total de la liberté des partenaires sociaux de négocier, de conclure et de mettre en œuvre des conventions collectives. Et c’est une infraction au Traité de Lisbonne, qui exclut les salaires des compétences de l’Union. De plus, ne seraient visés que les pays dont les salaires évoluent trop vite – et donc pas l’Allemagne, dont la politique de modération salariale plombe la demande européenne depuis des années…

Un parlement majoritairement à droite

Les textes sont renégociés depuis le mois de mai entre le Parlement, les chefs d’Etat et de gouvernement au sein du Conseil, et la Commission. Les parlementaires progressistes du Parlement européen partagent nos inquiétudes et ont défendu nos positions, mais il faut faire face à une réalité objective: les peuples européens ont élu (avec un haut niveau d’abstention, cela dit!) un Parlement européen majoritairement à droite. Avec des chefs d’Etat et de gouvernement élus majoritairement à droite aussi, et donc une Commission à droite, il est difficile à la gauche de s’imposer.

Certains éléments ont été repris dans la phase de négociation entre les différents groupes politiques au Parlement européen, mais ils ont été fortement affaiblis ou supprimés ou menacés de l’être au moment de la négociation avec le Conseil et la Commission. De plus, la majorité de droite du Parlement soutient quelque chose que nous refusons catégoriquement: l’extension d’une procédure de vote qui rendrait quasi impossible pour les Etats membres de s’opposer aux décisions de la Commission, elle-même dominée par Ecofin, qui réunit les ministres des Finances.

Quel est le bilan aujourd’hui? Nous avons réussi, avec la collaboration active de la Confédération européenne des syndicats (CES), à obtenir une clause qui défend la liberté de négociation collective, ce qui est un bon point. Mais nous n’avons pas réussi à exclure les salaires de ce nouveau mécanisme de supervision et de sanction. Le principe de sanctionner aussi les salaires qui évoluent trop lentement (la "symétrie") est fortement affaibli, et risque de tomber sous la pression de l’Allemagne, soutenue par la France suite à un deal qu’ils ont passé entre eux. La préservation des dépenses et investissements publics essentiels est aux oubliettes depuis longtemps.

Deux points de discorde

Enfin, il reste deux points de discorde entre Parlement et Conseil, qui les empêche de trouver un accord: l’extension du vote à la majorité qualifiée inversée (cette procédure qui rend difficile de s’opposer aux décisions de la Commission), voulue mordicus par la majorité de droite du Parlement; et la suppression du principe de symétrie (même affaibli), soutenue surtout par la gauche au Parlement mais refusée par l’Allemagne.

Dans les prochaines semaines, comme il n’existe plus de possibilités pour introduire des amendements, nous allons utiliser au maximum le peu de marge de manœuvre qu’il reste en soutenant la symétrie et en rejetant l’extension de la nouvelle procédure de vote. Lors du vote, nous demanderons le rejet pur et simple des textes inacceptables.

Avec la CES, nous allons poursuivre notre mobilisation pour imposer une autre politique européenne qui réponde aux attentes des salariés d’Europe. Dès à présent, nous préparons l’euromanifestation qui se déroulera à Varsovie le 17 septembre 2011.

Claude Rolin,
secrétaire général de la CSC

19 août 2011

La CSC présente ses condoléances aux victimes à Kiewit-Hasselt et rend hommage aux secouristes et aux riverains

Le destin et l’adversité ne prennent hélas jamais de vacances.

Une deuxième fois, cet été, de nombreux jeunes et leurs familles ont été durement touchés. D’abord à Oslo, en Norvège, où un fou fanatique a semé la mort et la destruction. Hier soir, c’est une catastrophe naturelle, un orage particulièrement violent qui a touché avec une force inouïe le Pukkelpop à Kiewit Hasselt. Les ACV Jongeren et ACV Enter qui tenaient un stand au camping du festival, sont fort affectés par l’énorme souffrance humaine et les grands ravages.

La CSC présente ses condoléances aux familles qui ont perdu un enfant – une jeune personne qui avait toute la vie devant elle –, si brutalement enlevé. Elle souhaite beaucoup de courage et de force aux jeunes blessés qui sont soignés dans un des hôpitaux, à leurs familles et aussi aux nombreuses personnes qui ont quitté le festival, traumatisées.

Nous rendons hommage et remercions tous les travailleurs, les policiers, les pompiers, les secouristes de la Croix-Rouge, la Protection civile, les infirmiers et infirmières, les médecins, les fonctionnaires de la Ville de Hasselt et de la Province du Limbourg et les nombreux riverains et bénévoles qui donnent le meilleur d’eux-mêmes et montrent ainsi que la solidarité existe encore chez nous.

Nous souhaitons beaucoup de courage aux organisateurs qui voulaient rassembler des jeunes de manière pacifique autour de la musique pop. Les évaluations sont là pour tirer des leçons pour l’avenir, mais toutes les mesures de prévention ne permettront jamais de maîtriser complètement le destin et les éléments naturels. La CSC espère que les événements de masse, comme les concerts pop – qui sont si importants pour la solidarité et la convivialité dans notre pays – pourront encore être organisés à l’avenir.

Tom Vrijens, ACV Jongeren
Elke Oeyen, ACV Enter
Benoît Constant, Jeunes CSC
Luc Cortebeeck, président de la CSC

17 août 2011

Enfin faire contribuer les fortunes

Depuis le 1er juillet, le secret bancaire a officiellement cessé d’exister en Belgique. C’était écrit dans les astres, mais maintenant c’est enfin effectif. Et ce n’est pas trop tôt.

Car, en premier lieu, le "secret", déjà sérieusement écorné, n’en était plus vraiment un. On ne pouvait plus l’invoquer que dans certaines situations, généralement indéfendables. D’autre part, il ne s’inscrit plus vraiment dans notre époque: devions-nous, dans la capitale de l’Europe, presque les derniers, nous accrocher à ce secret? A long terme, il ne pouvait que nuire à notre réputation. La mentalité a bien changé au niveau mondial: aucun pays, ou presque, ne souhaite plus être étiqueté comme paradis fiscal. Nous n’y avons plus intérêt. Certainement parce qu’il s’agissait du dernier moyen utilisé par la plupart des fraudeurs pour éluder l’impôt. Impôt qui par conséquent devait nécessairement retomber sur vos épaules, cher contribuable. Car la fraude est et reste un impôt sur les gens honnêtes.

A la veille d’un assainissement budgétaire

Le fait que nous soyons à la veille d’un grand assainissement budgétaire n’est certainement plus un secret non plus dans la sphère politique belge. Elio Di Rupo, par exemple, affirmait déjà dans sa note de formateur qu’il faudra économiser environ 22 milliards d’ici 2015.

La suppression du secret bancaire donne enfin le signal que cet assainissement ne sera pas assumé seulement par le brave citoyen lambda. Il semble logique et juste que les personnes fortunées doivent contribuer un peu plus que les moins nantis. Le formateur a d’ailleurs fait un premier pas très concret dans sa note: les fortunes de plus de 1,25 million seraient soumises à un impôt de 0,5%.

La Banque nationale l’a encore confirmé il n’y a pas si longtemps: les revenus des grandes fortunes belges ne sont pas lourdement imposés. Par exemple, les riches ne payent aucune taxe sur la plus-value générée par la vente de leurs actions. Si l’on compare avec les revenus du travail par exemple, où un euro d’augmentation est absorbé à 60% par les impôts, alors on ne peut que reconnaître la logique d’un impôt sur les revenus de la fortune.

Certains politiciens, ces jours-ci, font comme si tout le monde allait être lourdement imposé sur sa maison et son livret d’épargne. Ce sont les faux arguments classiques qui sont toujours utilisés par les défenseurs des riches et des fortunés, donc pas pour vous défendre, au contraire, car il ne s’agit pas de vous. Du reste, le milliardaire Warren Buffett a lui aussi appelé le Congrès américain à imposer plus lourdement les riches, qui sont selon lui – et il sait de quoi il parle – jusqu’ici beaucoup trop ménagés.

Les réalistes possèdent la moitié du monde

L’idéal serait un véritable impôt sur la fortune. Contre l’imposition de la fortune, on invoque souvent l’argument que les riches parviennent malgré tout à y échapper et que les fortunes ne sont pas connues. C’est encore partiellement vrai mais de moins en moins (voir précisément la levée du secret bancaire).

Toutefois, la mise en œuvre pratique d’un impôt sur la fortune est lourde, et un tel impôt ne sera peut-être pas applicable à court terme. Une première étape consisterait à mieux imposer les revenus de la fortune, ce qui semble maintenant de plus en plus réalisable.

La technique est simple. On évalue la fortune d’une personne. Prenons par exemple les revenus mobiliers (actions et obligations). On collecte ces informations pour chaque personne et, sur cette base, on détermine la valeur totale des actions et obligations de chacun individuellement. Sur la base de cette valeur, on part du principe que cet avoir aura un rendement de 4% par exemple. On ne prélève pas un précompte mobilier mais on calcule une contribution de 33% sur ces 4% (fictifs). Cette contribution remplacerait le précompte mobilier. D’autre part, elle constituerait également un impôt sur les plus-values, qui jusqu’ici ne sont pas taxées.

Les riches ne pourraient pas éluder longtemps un tel impôt. S’ils voulaient dissimuler leur argent, il leur faudrait apprécier les voyages. En Europe ce n’est déjà plus possible, ils devraient aller plus loin encore. En Europe il est très difficile d’encore se faufiler avec de l’argent noir sans être découvert.
Ainsi, les riches contribueraient un peu plus. Cela ne comblerait pas complètement le déficit budgétaire mais on se rapprocherait de la solution.

Luc Cortebeeck,
président de la CSC

12 août 2011

Réforme du travail des étudiants: plus pour son argent?

Le travail des étudiants sera prochainement réformé. A partir du 1er janvier 2012, les étudiants pourront conclure des contrats de longue durée (1 an) et travailler 50 jours par an sans être assujettis à la sécurité sociale. On ne verse pas des cotisations de sécurité sociale mais d’autres cotisations dites de "solidarité", généralement moins élevées. Jan Denys, spécialiste du marché du travail, relevait avec enthousiasme à la télévision que cette réforme constitue un avantage concurrentiel pour l’économie belge. Jan Denys n’est bien évidemment pas neutre. Il prêche ici pour sa chapelle, l’entreprise de travail intérimaire Randstad, qui possède une très importante part de contrats étudiants dans son portefeuille. A la CSC, nous nous montrons moins enthousiastes, pour de bien meilleures raisons.

Nous partons du principe que l’étudiant doit être au cœur de la réforme. L’étudiant peut souhaiter gagner un petit salaire d’appoint. Mais il ne s’agit que d’un salaire d’appoint, car étudier est sa tâche essentielle. La nouvelle loi permettra à ces étudiants de travailler davantage tout en cotisant moins à la sécurité sociale.

Tout le monde y gagne? Pas si sûr!

Soyons clairs: l’étudiant ne bénéficie pas de nouveaux droits à la sécurité sociale. Il travaille plus longtemps mais ces jours de travail ne sont pas pris en considération, par exemple, pour constituer des droits aux vacances jeunes. Les jours qui sont prestés en été ne comptent pas non plus pour réduire le stage d’attente permettant d’accéder aux allocations d’attente. La situation pourrait être sensiblement meilleure.

La durée d’un contrat de travail étudiant a été portée à un an. Les étudiants ont un contrat à durée déterminée. En d’autres termes, ces contrats peuvent être établis un an à l’avance. Mais les étudiants ne bénéficient pas, par exemple, de vacances, de délais de préavis prolongés… La réforme introduit davantage de flexibilité à charge de l’étudiant, en revanche elle ne bénéficie pas aux droits de celui-ci.

Enfin, on rate ici l’occasion de mettre la réglementation en adéquation avec la flexibilisation de l’enseignement. Il ne faut plus nécessairement terminer ses études en juin. L’étudiant peut désormais le faire à tout moment de l’année. Nous avions ici l’occasion de préciser clairement les modalités d’octroi d’un contrat d’étudiant. Les institutions compétentes continuent de se contredire, ce qui ne simplifie pas la nouvelle réglementation pour les jeunes qui quittent l’école.

Conclure des contrats d’étudiant devient plus facile et ce type de contrat coûte un peu moins cher à l’employeur. Nous craignons qu’il ne s’agisse d’une forme de politique de l’emploi à court terme. Ces étudiants ont peu à y gagner, mais les contrats vont se multiplier et souvent pour une plus longue durée.

Qui assumera le coût de la réforme? Où trouver autant d’argent?

Le travail des étudiants n’équivaut pas seulement à "blanchir" le travail au noir. Les jours prestés par ces étudiants sont souvent des jours actuellement soumis à des cotisations de sécurité sociale. Prochainement, ils ne seront plus soumis qu’aux cotisations de solidarité "étudiants".

Les estimations budgétaires se fondent sur une vision relativement stricte: l’impact budgétaire doit être neutre. Avant on travaillait 46 jours contre 50 à présent. Pour l’employeur, la charge est donc répartie sur un plus grand nombre de jours de travail. Par conséquent, la cotisation journalière s’en trouve réduite. En outre, cette réforme lève divers obstacles: un plus grand nombre de jours prestés auparavant par des travailleurs ordinaires seront désormais prestés par des étudiants, entrainant ainsi de nouvelles pertes de recettes pour la sécurité sociale. Autant d’éléments qui nous portent à croire que les estimations budgétaires ne sont pas fondées.

Un contrôle budgétaire strict est nécessaire. En réalité, la sécurité sociale ne peut pas se permettre de prendre des risques financiers. Il faut augmenter les cotisations si nécessaire. Par ailleurs, le gouvernement avait réaffirmé en 2008 que le travail des étudiants devait rapporter 10 millions de plus dans le futur afin d’améliorer le financement de la sécurité sociale. Nous n’avons pas oublié cette promesse.

Donner aux étudiants ce qui leur revient

Nul n’ignorait qu’un remaniement de la réglementation actuelle était nécessaire. Elle était trop complexe. Or, cette modification est partiale. Les étudiants peuvent travailler davantage et de façon plus flexible mais ils reçoivent peu en échange, hormis leur salaire pour ces jours de travail. Ils paient des cotisations mais ne bénéficient d’aucun droit. Ils restent moins chers que leurs collègues fixes alors qu’ils perçoivent un salaire net plus élevé que ces derniers. Cette situation attise encore la concurrence entre les deux groupes sur le terrain.

La réforme n’est donc pas achevée. Nous invitons les responsables politiques à finaliser le travail car l’étudiant jobiste en a décidément peu pour son argent.

Ann Van Laer,
secrétaire nationale de la CSC